MINES DE CHARBON

MINES DE CHARBON

APEC

Les mines de charbon,

C'était encore hier, chez nous…

 

 

Combien d'Angevins écarquillent grand leurs yeux lorsqu'au hasard d'une discussion, on leur évoque le passé houiller de leur province ?

 

C'est vrai que le charbon de la Basse-Loire n'a jamais eu de renommée nationale, et que la majeure partie de la production était destinée aux fours à chaux du coin. Il n'en reste pas moins qu'à une certaine époque, l'activité charbonnière tenait la seconde place après la viticulture entre Loire et Layon. Et cela ne remonte pas forcément à Mathusalem.

 

Certes, les débuts sont flous et incertains (1), mais l'histoire des dernières exploitations est bien connue et certains peuvent encore en témoigner. Elle coïncide exactement avec l'histoire tourmentée du XXème siècle. Je vous propose de retracer, succinctement, l'histoire de nos houillères au siècle dernier…

 

 

La célèbre (2) exploitation de Désert – La Prée, à Chalonnes, a bien du mal à survivre en ce début de siècle. Il est bien loin le temps où les quatre puits de l'exploitation fonctionnaient à plein régime. En ces années 1900, la concurrence est rude face aux charbons du Nord, de l'Est et de l'étranger. Le minerai coûte cher à extraire et il se vend de moins en moins bien (les fours à chaux s'éteignent un par un). 1913 marque la fin de cette Concession, et la fermeture des derniers puits à Chalonnes (n°4 et 5). C'en est dorénavant fini de la grande époque du charbon.

 

Mais tout n'est pas terminé pour autant car, en parallèle, une petite exploitation survit tant bien que mal. Il s'agit de la mine de la Roulerie, à St Aubin-de-Luigné. Elle fait partie de la Concession de St Aubin / St Lambert, la dernière du bassin (1908 à 1930). Le puits Bigeard – c'est son nom – a été foncé (3) en 1904 et il atteint 110 mètres. Il est surmonté d'un chevalement métallique, le seul de la région d'ailleurs. La toute première cage (4) est installée sur ce puits. Il fallait auparavant descendre dans des tonnes, sortes de grosses barriques ouvertes. L'activité s'arrête en 1911, puis reprend en 1917 avec la pénurie. La fermeture définitive n'a lieu qu'en 1927, après 10 ans d'une bien maigre production.

 

 

Le puits de la Villette, à St Georges sur Loire, foncé en 1910 ne donne rien et est abandonné en

1921.

 

C'est aux Malécots (ou Malescots), site exploité à de multiples reprises par les anciens, que les recherches de l'après-guerre furent les plus fructueuses. Pendant la Première Guerre Mondiale, quatre puits sont foncés non loin du Grand Puits des Malécots (ancienne concession de Layon et Loire). La Société des Recherches Minières de Rochefort-sur-Loire est propriétaire des terrains et gère la mine. C'est le puits n°4 qui donne les meilleurs résultats, il est poussé à 60 m, où il rencontre une veine assez puissante. 15000 tonnes de minerai sont extraites, mais une fois le contrecoup de la guerre passé, le charbon des Malécots n'est plus rentable. Le puits n°4 ferme alors en 1923.

 

L'entre-deux guerre est bien calme et le charbon nécessaire est importé des charbonnages des grands bassins français (Nord, Lorraine, Centre…). Il faut attendre les années 40 et la seconde guerre mondiale pour observer de nouveau des fouilles de recherche.

 

C'est en effet en 1941 que Mr Gousset, propriétaire du Clos de l'Aiglerie à St Aubin, décide de gratter un affleurement dans son terrain. Il ouvre une petite exploitation, entièrement sous contrôle allemand, et extrait quelques tonnes de combustible. Dès 1942, l'entreprise Bessonneau d'Angers (fabricant de cordage en chanvre) reprend l'affaire à son compte. La compagnie creuse trois puits, dont l'un à plus de 45 m. Cette petite mine, dont les résultats ne furent jamais vraiment concluants, disparaît avec l'armistice de 1945.

 

Bessonneau a, entre temps, entreprit des travaux aux Malécots (voir plus loin). Au même moment, d'autres recherches ont lieu. La Société d'Exploitation Minière de l'Anjou (SEMA) explore à flanc de coteau une veine, affleurant à la Haie-Longue au village du Pâtis, sous le monument Gasnier. Elle ne poursuit pas les travaux et la galerie est bouchée.

 

La même société se tourne alors vers le lieu-dit des Bruandières en 1942, à St Aubin. Elle sonde d'abord à la Coulée Verte, avec un travers-banc (5), mais les efforts sont vains. Un peu plus à l'Ouest, une galerie est percée à flanc de coteau, à quelques mètres du Layon, au droit du lieu-dit susnommé. Après 100 m de progression, une veine est exploitée (6m de puissance).

 

Un puits d'aérage est creusé et débouche près de l'Aiglerie. La SEMA exploite cette mine pendant 8 ans, principalement pour le chauffage domestique. En 1950, certains mineurs sont redirigés vers le site des Malécots très prometteur, et d'autres se reconvertissent. C'est effectivement aux Malécots que l'activité charbonnière du XXème siècle fut la plus importante.

 

A la suite de la fermeture du site en 1923, on remblaie les puits sans avoir sorti tout le charbon. Cette opportunité est saisie en 1942 par la Société des Mines d'Or de la Bellière (St Pierre Montlimart), pour le compte des usines Bessonneau. Le puits n°4 est donc repris et poussé à

85m. Un plan incliné démarre ensuite de ce niveau.

 

Très vite, les établissements Bessonneau gèrent eux-mêmes les travaux et modernisent l'exploitation. Les besoins d'après-guerre sont énormes. Un travail de reconnaissance, long et fastidieux, et une estimation du tonnage extractible sont réalisés. Un permis d'exploitation est accordé en 1949 et l'exploitation peut réellement commencer. En 1954, un deuxième puits est creusé, à l'Ouest du « Petit Puits », pour l'aérage des travaux souterrains.

 

Au plus fort de l'activité, la petite mine des Malécots emploie une cinquantaine d'ouvriers, dont trente au fond (photo ci-contre). 5000 tonnes sont en moyenne extraites par an, et tous les jours, deux camions remplis de charbon faisaient l'aller-retour Angers Chaudefonds. Aucun coup de  grisou, aucun coup de poussier et aucun éboulement grave n'est à déplorer. Les mineurs se souviennent juste de la mort d'un des leurs, écrasé entre la cage et le puits lors d'une remontée. Il n'avait pas suivi les consignes. Pourtant, les techniques sont artisanales (comparées aux autres mines françaises à l'époque). Au fond, pas d'électricité car c'est trop dangereux. L'air comprimé est la seule énergie admise. C'est elle qui fait fonctionner les lampes, les marteaux-piqueurs, les foreuses et les pompes. Les « gueules noires » descendent par une cage – suspendue à un chevalement en bois – qu'un treuilliste manœuvre avec précision.

 

Après 15 années de production, le permis d'exploitation arrive à terme. Bessonneau décide alors de fermer la mine. Ce n'est pas qu'il n'y a plus de charbon au fond, c'est plutôt une histoire de rentabilité. Le fuel coûte moins cher.

 

Plusieurs mineurs de fond sont embauchés dans les exploitations proches (Fer à Segré, Uranium en Vendée et Ardoise à Trélazé). Mais pour beaucoup, c'est une réorientation professionnelle difficile qui les attend. Et ce, parfois avec une silicose naissante qui ne va qu'empirer.

 

Vous l'avez compris, l'année 1964 marque bel et bien la fin de l'extraction du charbon en Anjou, et par la même occasion dans le bassin houiller de la Basse-Loire. De cette époque, il reste quelques mineurs qui ont travaillé aux Malécots ou aux Bruandières. Leur témoignage est un outil et un trésor pour tous ceux qui souhaitent se plonger dans cette glorieuse époque. Il nous reste des photos, des plans, des rapports, et surtout des vestiges qu'il est important de sauvegarder. Nous y participons activement depuis plusieurs années avec la chapelle Sainte Barbe des Mines, le château de La Prée, le site des Malécots, les galeries à flanc de coteau, etc.…

 

L'oubli ne doit surtout pas s'installer. Même si notre charbon n'est pas rentable à exploiter, une période de grande récession fera peut-être renaître, un jour, des exploitations sur le sol Angevin…

  

Ce texte est inspiré de nombreux ouvrages et documents, mis à jour à l'occasion des recherches sur l'histoire minière du bassin houiller de la Basse-Loire. La liste complète est disponible sur le site Internet : www.stebarbe.com

 

 François MARTIN - Association Sainte Barbe des Mine

 

 

 

(1) Dès le XVème siècle à Rochefort, au Vaujuet, juste avant la Gourdinière sur la route de la Corniche.

(2) Célèbre pour ses exploits techniques et ses illustres exploitants : MM. Las Cases et Triger.

(3) Foncer : action de creuser verticalement.

(4) Cage : ascenseur pour le personnel et les wagonnets de charbon.

(5) Travers-banc : galerie de recherche creusée dans le roc, et souvent perpendiculaire aux veines

 

 

 



13/11/2008
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 90 autres membres